RENCONTRES...

mardi 25 novembre 2014

LES ANGES MEURENT DE NOS BLESSURES - YASMINA KHADRA

4ème de couverture :

Il se faisait appeler Turambo, du nom du village misérable où il était né, dans l'Algérie des années 1920. Il avait pour lui sa candeur désarmante et un direct du gauche foudroyant. Il fréquenta le monde des Occidentaux, connut la gloire, l'argent et la fièvre des rings, pourtant aucun trophée ne faisait frémir son âme mieux que le regard d'une femme. De Nora à Louise, d'Aïda à Irène, il cherchait un sens à sa vie. Mais dans un monde où la cupidité et le prestige règnent en maîtres absolus, l'amour se met parfois en grand danger. 
À travers une splendide évocation de l'Algérie de l'entre-deux-guerres, Yasmina Khadra met en scène, plus qu'une éducation sentimentale, le parcours obstiné – de l'ascension à la chute – d'un jeune prodige adulé par les foules, fidèle à ses principes, et qui ne souhaitait rien de plus, au fond, que maîtriser son destin.


Mon avis :

Une description quasi littéraire d'une ascension sociale fulgurante et d'une déchéance qui l'est plus! Turambo qui porte le nom de son village natal (Arthur-Rimbaud), enfant de la misère dans une Algérie d'entre-deux-guerres raciste, a pu s'en sortir grâce à son crochet gauche!

"Le rêve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut après, nous avoir baladés à sa guise à travers mille promesses. C'est un gros malin, le rêve, un fin psychologue: il sait nous prendre à nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffé menteur: lorsque nous lui confions notre coeur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d'une déroute, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tête et un trou dans la poitrine - il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer."


On est confronté au fossé séparant les « Français » des « araberbères », le monde des « civilisés » et celui « des singes à peine descendus de leurs arbres ». Le racisme est omniprésent, le sport - la boxe en l’occurrence - aussi, mais pour illuminer ces ténèbres, les histoires d’amour du héros s’enchevêtrent pour donner une lueur, d’espoir peut-être ?... seule la lecture intégrale du roman nous le dira !

"L'amour est fait de hasard et de chance. À une bretelle de la vie, il est là, offrande sur le chemin. S'il est sincère, il se bonifie avec le temps. Et s'il ne dure pas, c'est que l'on s'est trompé de mode d'emploi."

"La boxe est un art réservé au monde des lumières. Autoriser un primate à y accéder est une grave imprudence, une fausse manœuvre, un acte contre nature »

Yasmina Khadra, fidèle à lui-même, nous crible de mots savants (pour mon plus grand bonheur) et nous sert un style plus littéraire à mon avis que ses précédents ouvrages. Un roman violent certes, mais d'une humanité rare! 
Un enchantement...


L’auteur :


Connu et salué dans le monde entier, Yasmina Khadra est l'auteur de la trilogie "Les Hirondelles de Kaboul", "L'Attentat" (adapté au cinéma par le réalisateur Ziad Doueiri en 2013) et "Les Sirènes de Bagdad" consacrée au dialogue de sourds entre l'Orient et l'Occident. "L'Attentat" a reçu, entre autres, le Prix des libraires 2006. "Ce que le jour doit à la nuit" – Meilleur livre de l'année 2008 pour le magazine "Lire" et prix France Télévisions 2008 – a été adapté au cinéma par Alexandre Arcady en 2012. La plupart des romans de Yasmina Khadra sont traduits dans quarante-deux pays.



Avec le maître incontesté Yamina Khadra aux Quais du Polar Edition 2015 

lundi 24 novembre 2014

JE SUIS NE UN JOUR BLEU & EMBRASSER LE CIEL IMMENSE - DANIEL TAMMET

Deux OVNI littéraires,  « Je suis né un jour bleu » et « Embrasser le ciel immense » de Daniel Tammet, deux témoignages puisés au fond de la source !


Daniel Tammet est hors normes, il est autiste de haut niveau, atteint du syndrome d'Asperger,  dans « Je suis né un  jour bleu » il nous décrit son enfance, sa passion pour les mathématiques et les langues. 
C'est une biographie doublée d’un essai scientifique sur: la synesthésie (les chiffres ont des couleurs et des textures); 
l’autisme et le Syndrome d’Asperger, mais c'est aussi un livre fascinant  puisqu’ il est d’une grande sensibilité.  
Le sous-titre "À l'intérieur du cerveau extraordinaire d'un savant autiste" parle de lui-même, car c'est exactement de cela qu'il s'agit.

L'auteur évoque d'ailleurs, assez longuement, sa fascination pour les nombres, ce qui le poussera à se lancer un incroyable défi, mémoriser les  22 514 premières décimales du nombre pi, un exploit qui a nécessité plus de cinq heures d'énumération en public.

Malgré ses exploits, et son incroyable mémoire synesthésique, il a dû batailler pour avoir une scolarité normale, puisqu'il lui est très difficile de communiquer et de se socialiser.

La façon dont l’entourage, et surtout les parents de Daniel on réagit face à la différence de leur fils m’a énormément touchée. 
Il ne faut pas oublier qu’il est né en 1979, époque où on parlait peu de l’autisme et encore moins du Syndrome d’Asperger.

Il a eu la chance d’être bien entouré, d’avoir pu être diagnostiqué, et surtout que les personnes qu'il a rencontrées lui aient offert un retour à la hauteur de ses attentes.

Il a une vision très particulière, il est tout simplement en décalage avec le monde qui l’entoure. Son cerveau offre des potentialités différentes.  Dans ce livre, il n’essaye pas de vulgariser l’autisme, mais nous fait une présentation scientifique du fonctionnement de son cerveau avec de nombreux exemples. Il arrive carrément à nous y emmener et nous faire ressentir les choses comme il les perçoit.



J’ai enchaîné la lecture des deux livres,  dans le second, intitulé "Embrasser le ciel immense",  j’ai trouvé beaucoup de redondances. C’est dommage qu’il y en ait eu autant.  


Le second étant plus « technique », on y trouve beaucoup d’énumérations d’expériences scientifiques,  si on est intéressé par le côté autobiographique, il vaut mieux s’arrêter au premier.


Son plus grand exploit, reste pour moi son hypersensibilité et la façon dont il nous mène à ressentir les choses telles qu'il les voit!
On finit par voir des couleurs partout...

lundi 17 novembre 2014

LA CHAMBRE D'HANNAH - STEPHANE BELLAT

Habituellement, mes chroniques sont rédigées dès le lendemain voire le surlendemain de la lecture ! Mais « la chambre d’Hannah », un véritable coup de cœur, a engendré un grand coup de ralenti, j’appréhende… Ma chronique serait-elle à la hauteur de mon coup de cœur, du bouleversement que m’a procuré sa lecture ? Saurais-je retranscrire toute cette émotion ?

Je me lance quand même :

4ème de couverture:

Paris, février 1992. Pierre Descarrières, 11 ans, est malheureux coincé entre une vie terne et des parents qui se déchirent quotidiennement. Seul dans sa chambre, il rêve d’un frère ou d’une sœur qui viendrait rompre sa solitude. Paris, février 1942. Hannah Klezmer, 11 ans, étouffe dans l’espace confiné de son appartement, mise à l’écart parce que juive. Leurs routes n’auraient jamais dû se croiser. Et pourtant, c’est arrivé. Car il existe entre eux un lien plus fort que le temps et la folie des hommes.
Si la Chambre d’Hannah plonge ses racines dans l’Histoire la plus sombre, c’est aussi le roman sensible et lumineux d’une amitié entre deux enfants qui n’ont, au premier abord, rien en commun : ni leur condition, ni leur époque. Avec, en filigrane, ces deux questions essentielles : jusqu’où aller par amitié ? Sommes-nous prêts à croire l’impossible ? 


Mon avis :

Comme vous l’avez compris, c’est l’histoire de deux jeunes enfants de 11 ans que tout sépare, le milieu social, l’époque, mais ils ont une chose en commun, leur chambre ! Sauf que Pierre vit en 1992 et Hannah en 1942.
Pierre est perdu au sein d’une famille qui se déchire, son appel à l’aide lancé, il a la surprise de voir apparaitre Hannah. Au fil des pages, une amitié sincère voit le jour, une amitié telle, que Pierre et son ami Maxime bravent le temps, les critiques, l’incompréhension des leurs pour venir en aide à Hannah. Qui pis est, Pierre et Hannah doivent l’un à l’autre le fait de rester en vie !

« Nous avons ressenti une partie de ce qui dévorait Hannah de l’intérieur. Une partie seulement, une partie infime de sa souffrance [...] Pour Hannah les mêmes cauchemars se répétaient jour après jour. A l’infini.» 

Le roman évoque des sujets très touchants : le rejet, le déchirement des parents, l’incompréhension de cette guerre, l’envie d’en finir, l’amitié, la dépression, la quête de soi et de ses origines.

« Le regard des autres est pire que la faim. Il déchire les entrailles, arrache des larmes de sang. Il vous pousse à maudire le destin d’être né différent. On en finit par souhaiter de devenir invisible. Au plus profond d’eux-mêmes, la plupart des humains entretiennent la phobie de ce qui n’est pas eux. »

Au cœur de l’horreur, Stéphane Bellat parvient à nous émouvoir, le récit est raconté par Pierre, avec des mots enfantins, mais très sensés.

« - Vous pensez que ça recommencera un jour, tout ça ?
- En France, je ne l'espère pas. Je ne crois pas, non. Ailleurs dans le monde, c'est malheureusement possible. Il faut être vigilant, Pierre, ne jamais se dire que c'est fini pour de bon. Ce n'est jamais fini pour de bon. La Première Guerre mondiale devait être la dernière. Vingt ans plus tard, tout recommençait. »

Sur un fond de fantastique et d’affabilité, Bellat nous fait rêver au point de croire en la possibilité de pouvoir changer le passé pour le bien d’autrui !

Vivement que le livre sorte en poche pour que les professeurs d’Histoire-Géo le fassent lire aux élèves !! A mon avis, c’est un livre indispensable pour accompagner nos enfants dans la découverte et la compréhension de la seconde guerre mondiale, pour ma part, il est sur la PAL de mon fils !


Je n’ai rien à y gagner, mais j’assume amplement ! Oui je me transforme en thuriféraire de la Chambre d’Hannah, et je n’ai plus rien à ajouter, excepté : Courez l’acheter !!


« A-t-on déjà vu quelqu’un pleurer devant la perte d’un numéro ? On le remplace. Et personne ne s’en aperçoit. A Auschwitz, le futur se limite à l’heure qui suit. Si on est encore vivant, c’est une victoire. Une heure plus tard, on est déjà dans le futur. »



L’auteur :

Né en 1961 dans l’ouest de la France, Stéphane Bellat  est un pur autodidacte,  autant par nature que par choix. Très vite attiré par l’expression artistique, il commence par dessiner, puis poursuit son parcours  par la peinture. Après avoir créé deux ateliers, il se dirige vers l’étude de l’histoire de la seconde guerre mondiale.
Quelques années plus tard, il devient historien et rédige, durant une dizaine d’années, de nombreux articles pour plusieurs magazines spécialisés. Sa passion du contact humain l’incite à devenir, en parallèle,  guide et conférencier, plus particulièrement autour de la Bataille de Normandie.
En 2010, il se sent envahi par le besoin d’élargir son horizon et décide de revenir à sa première passion : la littérature fantastique. C’est ainsi que nait les Passagers Perdus, son  premier roman.  Quelques mois plus tard, il est suivi par La Chambre d’Hannah.

L’appendice :
C’est le petit cadeau de l’auteur, à lire absolument, il retrace l’historique des lois antijuives en France Loi portant sur le statut général des juifs (JO du 18/10/1940)



et elle continue aussi chez Rebelle Editions


dimanche 16 novembre 2014

LA VIE A COTE - MARIAPIA VELADIANO

"Je suis laide, vraiment laide. Je ne suis pas handicapée. Du coup, je ne fais même pas pitié. Chaque pièce du puzzle est à sa place, juste un peu trop à gauche ou un peu trop à droite… Inutile d’en faire l’inventaire : ça ne rend pas. Je suis née ainsi. Beau comme un enfant, dit-on. Eh bien, non. Je suis une insulte à mon espèce, à commencer par le genre féminin… La beauté se veut visible. Pour ma part, l’invisibilité était une bénédiction."


Un roman troublant, bouleversant qui raconte l’étonnante histoire d’une petite fille que personne n’ose regarder tellement elle est laide.



Récit à la première personne qui narre avec une grande sensibilité la souffrance de quelqu’un qui n’est pas comme les autres, que tout le monde rejette… ou presque. La maman souffre et se mure dans le deuil de l’enfant parfait et dans le silence, le père fuit pour se noyer dans son travail.

Avec des mots délicats et touchants, Mariapia Velediano nous fait partager le mal-être de Rebecca.

Une profonde tristesse mais également une grande douceur émanent de ce roman, roman traversé par la grâce qui parvient à toucher la petite fille quand elle pose ses doigts sur les touches du piano. Diable ! Cette laideur aurait un don ? Parviendra-t-elle à trouver sa voie ?

Le ton, est comme un oxymoron… doux-amer, l’intrigue et le mystère sont peu à peu dévoilés. L’écriture est quant à elle aérée, fluide, poétique.

Sans évidence, ni amertume, l’auteur nous amène plus près des émotions de cette jeune fille rejetée par un monde esclave des apparences, à la fois physiques et sociales, d’une société qui fait tout pour ignorer ce qui la dérange…


Acheté et lu, le même jour… ça on dit long… La vie à côté de Mariapia Veladiano (Ecrivain Italien) Prix Calvino 2010. 213 pages Editions Stock

Bookfacing de la Vie à Côté




LA NUIT TOMBEE - ANTOINE CHOPLIN


Présenté comme un coup de cœur par mon libraire, mais je dirai un coup au cœur !!!

La quatrième de couverture laissait présager une lecture légère, or c’est un thème grave, et les sujets abordés peu réjouissants !  Mais ce fut une pure merveille !

« Il a roulé longtemps sur sa moto à travers la campagne ukrainienne, Gouri. Il revient sur ses pas, dans la vie d’autrefois, là où il a aimé. En ce lieu qui n’est plus qu’une zone sinistrée. Dans le village voisin, il croise ceux qui sont restés. La nuit tombe, les verres de vodka se vident et on se parle d’avant. Demain Gouri verra son passé délabré, demain seulement. »

En définitive, le vrai thème de ce roman, c’est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, mot qui n’est jamais prononcé dans le livre,  ses conséquences sur les hommes, la nature… Pêle-mêle, on est confronté à la désolation, la souffrance, la maladie, la folie, la poésie, l’acceptation, l’humanité, l’amitié, la vodka…

C’est un livre qui est tout sauf pleurnichard, il ne nous laisse pas indifférents. On traverse la désolation d’une Ukraine méconnaissable, transportés derrière le narrateur sur sa moto –remorque bricolée, qui souhaite récupérer la porte de la chambre de sa fille, aujourd’hui disparue !

On partage ses émotions, on comprend ce qu’est la dignité et la solidarité. On comprend aussi ce qu’est « l’inhumanité », quand on découvre ceux qui ont été abusés par les autorités et enrôlés de force pour nettoyer la centrale.

« La ruine est une chose. Le vide infect installé désormais au revers de ces murs, une autre chose. C'est ce que Gouri tâche de se répéter au pied de ces immeubles. Car, de retour chez lui, il cherche une fois de plus à se convaincre des nécessités de l'exil; flairer le réalité de ces puissances cruelles, imperceptibles et assassines, et préservant si étrangement l'apparence du monde. En découdre avec elles, comme il l'avait fait, d'une autre manière, à coups de pelletées brûlantes sur le toit du réacteur n°4. »

A l’instar du roman,-(124 pages)-, les dialogues sont courts, les descriptions vont droit au but, sans fioritures ou expressions alambiquées qui en jettent plein la vue. Non, juste, un sujet-verbe-complément, et l’émotion nous prend et nous pend à la gorge.

Un roman pudique et bouleversant !

ADULTERE - PAOLO COELHO

Qu’est ce qui peut mener Linda, journaliste genevoise très prometteuse de 31 ans à qui tout réussi, à commettre l’irréparable : un adultère ?

Mère de deux enfants, mariée à un homme merveilleux, grand patron d’un fonds d’investissements suisse en perpétuelle évolution. Issus tous les deux de familles riches protestantes, qui leur ont inculqué des valeurs indiscutables jusqu’ici…

Sur papier, sa vie est synonyme de perfection.

Mais la fatalité la guette, et cette fatalité n’est autre que l’ennui au sein de son couple.
Linda souffre de faire semblant d’être heureuse. Au bout d’une dizaine d’années, l’ennui s’installe, l’apathie grandit, les questions existentielles qui rythment sa journée lui pèsent de plus en plus, et elle sombre lentement, mais sûrement dans la dépression.  Mais cette fatalité a un antidote, qui se matérialise en Jacob, futur membre du conseil d’état Suisse, ancien amoureux du lycée.

Un big-bang émotionnel éclot de nulle part, ses hormones sont en ébullition (certains passages à ce niveau-là rappellent les 50 nuances de Grey, on finit par se poser la question s’il s’agit bien de Coelho J ). Sans avoir aucune maîtrise sur ses émotions, et se surprenant elle-même, elle se retrouve dans une relation adultérine. Mais nos deux « amoureux » ne sont pas sur la même longueur d’onde. Qui dit Sexe pour un homme dit SEXE, et qui dit SEXE pour une femme dit avant tout AMOUR…


Je ne vous en délivre pas plus, en revanche je voudrais vous livrer quelques réflexions :
  • Le sujet semble certes très banal, mais en parcourant le livre, on ne peut qu’apprécier l’approche que fait l’auteur pour décrire la dépression, le sentiment de vide, les grands écarts entre illusions et désillusions, c’en est bouleversant.
  • Coelho a osé une introspection féminine mais écrite par un homme !  Le procédé d’écriture vous met à la place d’un analyste et vous imaginez l’héroïne sur un divan, elle livre ses pensées les plus intimes comme si elle s’adressait au lecteur sous un ton de confidence.
  • On retrouve la griffe Coelho : mysticisme, quelques courants philosophiques,  médiation et spiritualité
  • L’auteur  décrit Genève, la suisse, les Suisses, c’est un peu longuet, mais en fermant le livre, on comprend le fonctionnement du conseil fédéral, du système de vote et on apprend « officiellement » que la Suisse est le pays qui a choisi de s’isoler du monde, et qu’ils sont heureux entre soi !!!  :D
  • Petit clin d’œil à la photo de couverture, 3 cerises pour nos trois protagonistes qui sont placées de telle sorte pour former un cœur…
  • La fin du livre, et tout le laïus sur la VERITE, sur le chemin que l’on doit emprunter pour y arriver est un pur délice. Dommage qu’il faille attendre la fin pour l’apprécier à sa juste valeur :)


Et si je dois citer une phrase de ce livre, ce serait la suivante :


«L’amour n’est pas seulement un sentiment ; c’est un art. 
Et comme tous les arts, l’inspiration ne lui suffit pas,
 il faut aussi beaucoup de travail»




jeudi 13 novembre 2014

LE MARCHEUR DE FES - ERIC FOTTORINO


Ceci n’est pas une chronique du livre, mais un petit peu plus !

Fidèle à mon habitude, je dévore les livres, des fois jusqu’à l’écœurement, oui certains livres, mal écrits ou inintéressants ne passent pas à la trappe, car une fois la première page lue, je m’oblige à en finir la lecture, car s’ils ont été édités, c’est qu’il y a une bonne raison, des fois, je n’en trouve pas…

L’un des livres littéralement avalé et avec délice est : Le marcheur de Fès, d’Eric Fottorino, écrivain français. Ce livre m’a séduite pour plusieurs raisons, la première le style, il est fluide, prenant, on ne s’arrête pas pour relire une phrase ou un paragraphe, on le lit comme on boirait du petit lait, il coule… tout seul.

La deuxième et principalement la primordiale, c’est le sujet : la quête.
Dans ce livre l’auteur est en quête du passé de son père naturel et de ses origines. Le père est un séfarade, juif marocain né à Fès. Moshé Maman, devenu Maurice. Le fils, c’est l’écrivain français Eric Fottorino.

La quête du père est un sujet sur lequel je ne m’attarderai point. La quête de ses origines, en revanche, c’est une question qui me taraude, elle me taraude depuis des années. Et alors me diront certains ? Et bien c’est là que le bât blesse.
Qui me dit que l’histoire d’Eric n’est pas mienne aussi? Qui peut prouver que les marocains n’ont pas un aïeul juif, ou une aïeule ? Là on l’est forcément car le judaïsme est une religion matrilinéaire.  Mais j’ai l’intime conviction, que les marocains, issus d’une terre de mélange de cultures, ont un peu de chaque religion monothéiste. Jetez juste un petit coup d’œil aux tatouages qui ornaient les visages de nos grands-mères, des croix entre les yeux ! Cela ne vous étonne pas ? Laissez les tatouages et regardez sous vos pieds, les tapis berbères qui font notre fierté, nulle arabesque, mais des croix… A propos de tapis, je vais citer un passage du livre qui se glisserait très bien à cet endroit :
 « Quand je pense à nous, je vois une sorte d’écorché, l’envers d’un tapis marocain, ce réseau compliqué de liens qui composent des figures déformées et indéchiffrables, dont la beauté, comme le sens, n’apparaît qu’une fois remises à l’endroit ».

Les marocains, en général, occultent cette question, s’engouffrent dans le moule et continuent. Mais vous êtes-vous déjà posé la question ? Surtout vous qui portez des noms Megorashim (les « renvoyés », les juifs expulsés à la chute de grenade en 1492), les noms de famille parlent d’eux-mêmes … pour les Tovashim, c’est un peu plus compliqué, car ils ont toujours été autochtones et ont porté des noms dit « arabo-berbères »… je m’égare un peu, je dérive presque… recentrons nous sur le livre…

C’est un parcours initiatique, sur la filiation certes, mais également géographique, on déambule dans Fès el bali, el Mellah, comme si on y était. On en ressort avec une forte émotion, dans laquelle vous plongent les phrases de ce livre.

Je n’en dirais pas plus, je vous laisse le découvrir…

Bonus:

1- Interview de l'auteur au sujet du livre

Interview d'Eric Fottorino

2- Pour plus d'informations sur Le Tritel (comme en parle Fottorino dans la vidéo ci-dessus), je vous conseille: 


Pogrome de Fès ou le Tritel 1912 de Paul B.Fenton






mercredi 12 novembre 2014

PETRONILLE – AMELIE NOTHOMB

J’aimerai commencer en vous expliquant ma « rencontre » littéraire avec Amélie Nothomb, j’ai acheté Stupeur et tremblements à sa sortie en 1999, l’ai lu d’une seule traite et ai tout simplement détesté, pas le livre mais l’auteure. Je ne pouvais pas imaginer que l’on puisse autant se manquer de respect ! Quelques années plus tard, je l’ai mis dans mon sac à main car j’avais un avion à prendre, et je ne sais pas si la pressurisation n’altère pas que le sens du goût mais aussi le goût dans le sens général, car j’en ai apprécié la relecture ! Donc, comme certains ont pour habitude d’acheter des romans de gare, moi j’achète des Nothomb comme romans d’aéroport, et c’est comme ça que j’en arrive à dépasser la dizaine !

Le dernier « Petronille », à l’instar des autres, se lit très rapidement, car très court.  Pour résumer le livre : Amélie Nothomb aime le champagne, elle carbure au champagne, mais ce qu’elle aime le plus c’est de le boire en bonne compagnie et il lui faut donc trouver avec qui le partager !

« Les années passèrent sans que je songe à me trouver un compagnon ou une compagne de beuverie. Ce fut ma manière de rester fidèle à cette accointance d’un soir. »

Le roman est une ode au champagne, que dis-je un hymne, au bout d’un certain nombre de pages, ça pétille tellement qu’on n’en peut plus de voir autant de bulles :

« Le champagne ne m’a jamais reproché mon enthousiasme, qui ne correspond absolument pas à un manque d’attention de ma part. Si je bois vite c’est aussi pour ne pas laisser réchauffer l’élixir. Il s’agit également de ne pas le vexer. Que le vin n’ait pas l’impression que mon désir manque d’empressement. Boire vite ne signifie pas boire tout rond. Pas plus d’une gorgée à la fois, mais je ne garde pas la merveille longtemps en bouche, je tiens à l’avaler quand son froid me fera encore presque mal. » 

Son choix se porte sur Petronille Fanto, une jeune femme androgyne, qui s’essaye également à la littérature. En descendant un énième grand cru avec Pétronille, Amélie nous lance :
« Le garçon avait apporté des cacahuètes, ce qui détonait un curieux sens des valeurs. Autant lire Tourgueniev en écoutant la Danse des Canards »

On accompagne, les deux copines qui deviennent « covignes »,  Petronille la prolo et Amélie la bourge, dans leurs déboires avec les éditeurs, leurs vacances au ski, leurs délires et beuveries. Ces deux mondes que tout oppose, finissent par créer un lien d’amitié très fort entre les deux auteures.

Fidèle à son habitude, à croire qu’elle est toujours pressée d’en finir, Amélie nous sert encore une fois une fin varlopée…  
Bref à l’instar du champagne, à consommer avec modération, ce n’est pas le meilleur cru du château Nothomb ! 




mardi 11 novembre 2014

L'ECRIVAIN NATIONAL - SERGE JONCOUR

Serge Joncour nous fait voyager dans deux mondes, celui de la naissance d’un livre et celui de l’amour. Mais également, dans la France profonde, dans les forêts du Morvan…

Serge ou l’écrivain national, car tel est le nom officiellement officieux dont l’affuble le maire de la petite bourgade où il est convié à résidence pour un mois. Dès son arrivée à la gare,  Serge lit dans le journal la disparition d’un vieux retraité, Monsieur Commodore. Mais ce qui attire le plus son attention dans ce fait divers, c’est la photo de Dora et son ami Aurelik, deux marginaux d’origine étrangère. Surtout Dora !


La naissance de l’amour :
Souvent on dit que l’amour rend aveugle, je dirais qu’il rend bête ! Oui, très bête même, comment peut-on envisager une histoire d’amour avec quelqu’un qui ne peut nous mener nulle part qu’à notre propre perte ! Imaginez l’effet « ketchup » combiné à l’effet « boomerang » ! Serge tombe amoureux d’abord de Dora en photo, elle le hante, le subjugue, il fait tout pour la voir, l’avoir, quitte à se retrouver avec tout le village sur le dos.  Il n’a pas su donner l’amour, il l’a déversé par flots, tout est arrivé d’un seul coup, c’est l’effet « ketchup »

Mais une marginale dont le conjoint est soupçonné de meurtre dans une France profonde, n’est pas quelqu’un de fréquentable. Les gendarmes le soupçonnent d’en savoir plus, les villageois, ses amis libraires lui tournent le dos. Cet amour se retourne contre lui, l’effet « boomerang »

« C’est une pure connerie de faire ça, une connerie de plus sans doute, mais qu’il est bon de retrouver le goût de l’autre, qu’il est fort de flotter dans l’éternel présent d’un début de rencontre, sans futur ni questions, qu’il y ait des lendemains ou pas, après tout qu’importe, un amour même impossible c’est déjà de l’amour, c’est déjà aimer, profondément aimer, quitte à en prolonger le vertige le plus longtemps possible »


La naissance d’un livre :
Serge, outre Dora, a une autre hantise, élucider le mystère de la disparition de Commodore, et pourquoi ne pas s’en inspirer pour le feuilleton qu’il doit écrire dans le journal local.

« tout destin est exceptionnel, mais une vie ne suffit pas à faire un livre, un livre c’est bien plus que ça, et bien moins tout en même temps »


Une réflexion sur le métier d’auteur, une plongée dans le cœur de l’humain et également dans les forêts du Morvan,  une écriture fluide, un rythme soutenu et un humour très fin voilà les mots qui pourraient résumer ce Joncour !




LES TRIBULATIONS DU DERNIER SIJILMASSI - FOUAD LAROUI


Si je pouvais placer quelques mots dans ce roman, j’aurais dit ce qui suit : « Pourquoi feu grand-père citait les hadiths et le Coran, pourquoi mon père cite Ahmed Chawqi ou Al Mutannabi, et moi dans tout ça, pourquoi j’ai surtout des références francophones ? »

Ben voilà, le décor est posé ! Adam Sijilmassi, ingénieur négociant pour une  grande entreprise marocaine, est assommé par une épiphanie au-dessus de la mer d’Andaman à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Il décide de faire un break dans sa vie, de retourner aux sources, ne plus courir, ne plus voyager… Ces aïeux ayant toujours vécu dans les Doukkala, eurent une vie heureuse, une quiétude à la vitesse des mules et autres équidés et pas à la vitesse des Boeing !

Au début du livre, le ton est farfelu, mais au fil des pages, on se rend compte que le sujet est plus grave. Beaucoup de philosophie, saupoudrée de citations de Ibnou Toufayl et Ibnou Rochd. Des questions existentielles qui puisent leurs réponses dans des œuvres sorties du coffre du grand-père, œuvres qui ont tracé une belle route pour la pensée européenne moderne, œuvres datant d’une époque où les penseurs arabes savaient penser !

"Il est obligatoire d'étudier la philosophie et la science... Mais s'il y contradiction entre elle et la Révélation? Dans ce cas, répond Ibn Rochd, il faut interpréter le texte. Il faut accepter les résultats de l'investigation scientifique et de la réflexion rationnelle, et relire le texte, revenir aux significations premières des mots, en faire une lecture métaphorique. Il faut forcer le texte sacré à coïncider avec le réel tel que le dévoile la science. C'est la science qui prime. "

Adam, plaque tout, travail, épouse, confort casablancais, et chemine vers ses sources, vers la petite ville d’Azemmour, vers le Riad de la famille ! Qui est-il ? Que fait-il ici ? Comment faire le vide ? Comment se défaire de tous ces fragments de littérature française qui s’entrechoquent dans sa tête ? et surtout comment gérer le chaos déclenché par sa décision soudaine de tout plaquer ? Il est venu chercher le calme, et se trouve embarqué dans des intrigues à n’en plus finir, comment gérer cette descente dans le maelström ?

On ressent que Laroui regrette l’âge d’or arabe, le manque de repères culturels pour les marocains exclusivement francophones et regrette surtout que les musulmans n’aient pas pu faire évoluer l’Islam avec le temps, que le tout eut été figé comme il le fut il y a quinze siècles.


Je préfère ne pas trop en dévoiler, car ce livre vaut vraiment la peine d’être lu ! De l’humour savamment dosé, grinçant par moments, un style à la Laroui, très agréable et accessible. Seul petit bémol, j’aurais préféré que l’auteur étoffe un peu mieux/plus la fin, on a l’impression qu’elle fut rédigée à la va-vite et on reste un peu sur sa faim…




DANS LE JARDIN DE L’OGRE – LEILA SLIMANI


Leila Slimani a tout pour attiser ma curiosité :
    - Un premier roman
   - Un sujet tabou : la dépendance sexuelle, mais au féminin !!
   
Dans ce roman Leila se frotte à un sujet qui, quelle que soit la culture, reste du domaine de l’indicible, du tabou : la dépendance ou l’addiction sexuelle, qui plus est la plus perverse et  la plus destructrice de toutes les addictions.

Adèle est journaliste, maman d’un petit garçon Lucien et épouse d’un chirurgien Richard.
« Adèle a fait un enfant pour la même raison qu’elle s’est mariée. Pour appartenir au monde et se protéger de toute différence avec les autres. En devenant épouse et mère, elle s’est nimbée d’une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche » 
Une vie parisienne bien calme où tout est déjà tracé. Mais cela ne la satisfait pas ! 
La vraie Adèle, c’est ça : « Une semaine qu'elle tient. Une semaine qu'elle n'a pas cédé. Adèle a été sage. En quatre jours, elle a couru trente-deux kilomètres... Elle n'a pas bu d'alcool et elle s'est couchée tôt. Mais cette nuit, elle en a rêvé et n'a pas pu se rendormir. Un rêve moite, interminable, qui s'est introduit en elle comme un souffle d'air chaud. Adèle ne peut plus penser qu'à ça. Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d'un pied sur l'autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu'on la saisisse, qu'on lui brise le crâne contre la vitre. Dès qu'elle ferme les yeux, elle entend les bruits, les soupirs, les hurlements, les coups. Un homme nu qui halète, une femme qui jouit. Elle voudrait n'être qu'un objet au milieu d'une horde, être dévorée, sucée, avalée tout entière. Qu'on lui pince les seins, qu'on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin de l'ogre.»

Adèle ne s’appartient pas, elle est esclave du désir, le désir est son maître. Une expression bien de chez nous, la qualifierait à merveille, Adèle est habitée (je ne veux pas tomber dans le mysticisme, mais c’est ce qui l’a défini le mieux !)

"Ses obsessions la dévorent. Elle n’y peut rien. Parce qu’elle requiert des mensonges, sa vie demande une épuisante organisation, qui lui occupe l’esprit tout entier. Qui la ronge. Organiser un faux voyage, inventer un prétexte, louer une chambre d’hôtel. Trouver le bon hôtel. Mentir mais ne pas trop se justifier. Les justifications nourrissent les soupçons."
"Adèle ne tire ni gloire ni honte de ses conquêtes. Elle ne tient pas de livres de comptes, ne retient pas les noms et encore moins les situations. Elle oublie très vite et c’est tant mieux. Comment pourrait-elle se souvenir d’autant de peaux, d’autant d’odeurs ?"

La nymphomanie la consume à petit feu, il faut penser à tout, ne laisser aucune trace, garder le sourire et renter chez soi comme si de rien était. Mais Richard, victime d’un accident de la route, se retrouve immobilisé pendant quelques semaines à la maison ! Adèle ne pouvant se défaire de son vice, doit être encore plus vigilante…

"Être belle, être prête. Se tromper, inévitablement, de priorité."


A mon avis, Leila Slimani a su déjouer deux grands pièges pour ce premier roman :

- Elle est marocaine, mais tous les personnages du livre n’ont aucun rapport avec le Maroc, on n’a pas le droit au sempiternel premier roman autobiographique de la majorité des auteurs maghrébins.
   - Elle traite du sexe, de l’addiction sexuelle même, mais sans tomber ni dans la pornographie ni dans l’érotisme.


Un livre déconcertant, une écriture mordante, une maestria des mots qui ouvre la porte aux sceptiques…  Je ne souhaite pas me transformer en thuriféraire de ce roman, mais il vaut la peine d’être lu !