Günther Franzentich, est fils de fermiers
allemands, mais à son grand désarroi, il n’a aucun instinct agricole. En revanche,
il est très doué en dessin. N’étant d’aucune aide dans la ferme familiale, il
fut enrôlé de force au moment de la construction du camp de Ravensbrück, seul
camp de concentration réservé aux femmes. Il en devient l'illustrateur
officiel, obligé de mettre son talent de dessinateur au service des autorités
nazies.
Rien n'échappe au crayon affûté du jeune homme :
l'horreur des camps, les expériences médicales, les kommandos, les
mœurs des officiers, la vie, la mort.
Dans ce roman noir, Stanislas Petrosky pénètre
au cœur de Ravensbrück et en décrit implacablement chaque recoin, afin de ne
jamais oublier.
Mon avis :
Comment peut-on oublier ? Nous avons un
devoir de mémoire, quelle que soit notre origine, mais cette piqûre de rappel secoue, même quelqu’un comme moi, passionnée que je suis par cette
période !!!
Oui, c’est noir, très noir même, mais la couleur
dominante reste le rouge, le rouge sang « je voulais que l’on soit
aussi marqué en regardant mes dessins, que l’horreur des scènes saute aux yeux,
alors je ne donnais couleur qu’au sang, à la maladie, aux coups et à la
pourriture. ».
C’est un roman que j’apparenterai à un témoignage, même
si l’auteur est un quadra, sa plume magnifique, ne laisse aucun doute, nous
sommes en 1939 et parcourons avec un nœud au ventre les six années suivantes.
Günther s’avilissait à offrir ses talents à tout
ce qui avait un semblant d’autorité afin de garder les faveurs qu’on lui avait
accordées. Comme de la prostitution artistique, il donnait un dessin pour vivre
un peu plus longtemps, pour être nourri correctement. Un jour, il prit la
décision de garder ses dessins « Il fallait donc que je les cache
quelque part, juste pour les revoir quand la guerre serait finie, pour ne pas
oublier….les gens nous croiraient-ils si nous leur racontions tout ce qui se
passait dans ce camp ? »
Il dessinait des corps torturés et décharnés. Il
dessinait des memento mori !
Pour oublier ces corps émaciés, il arrivait à Günther de se rendre au quai de débarquement pour voir les
nouvelles arrivées, c’est là qu’il la vit pour la première fois, son nom: Edna.
Comment peut-on aimer au sein d’un mouroir,
comment peut-on aimer au "pont aux corbeaux"? Il ne faut pas
chercher ! Même au cœur de l’horreur, le cœur a ses raisons « Une
petite sonnerie, comme une alarme, retentit dans mon cerveau. N’étais-je pas en
train de foncer droit dans un piège ? Je savais que si je manifestais un
sentiment […] je risquais ma peau, d’autant plus que je ne savais pas les
donner à moitié ou juste un peu, je donnais tout. Je ne savais pas faire dans
la demi-mesure. J’ai toujours été entier, alors pas question de faire machine
arrière, puis surtout son sourire était imprimé dans mon esprit. »
Cette parenthèse romanesque apporte un peu
d’humanité au roman, mais on replonge rapidement dans l’horreur, Stanislas ne
nous ménage pas, la cruauté est là, et est décrite telle quelle. Le fameux Revier et
sa salle de dissection, - un vrai jardin de supplices -, vous plongent dans un
abyme de souffrance. En lisant ces passages, on fleure la mort, on est imprégné
de son odeur. L’être humain n’est plus humain, il y devient un objet
d’expérimentation.
Certes, il faut s’accrocher pour ce genre de
lecture, mais ça en vaut largement la peine ! Pour un primo-auteur, le
pari est brillamment réussi !
« J’y allais à reculons et une fois de
plus, je m’attendais au pire. Mais ce que j’y vis était au-delà. C’était l’un
des mystères de ce camp, vous aviez beau vous attendre à une chose horrible,
vous étiez toujours en dessous de la réalité. Pourtant, en tant qu’artiste, je
pouvais me vanter d’être très imaginatif, mais jamais assez par rapport à la
cruauté nazie. »
Pour en savoir plus sur Ravensbrück
Pour commander Ravensbrück mon amour date de sortie 15 mars 2015
L’auteur :
Né en 1975 sur les bords du lac Sevan, en
Arménie. Stanislas Petrosky quitte son pays à l’âge de dix-sept ans pour
rejoindre la France. Il glissera dans une délinquance de plus en plus dure et
connaîtra de nombreux démêlés avec la justice.
C’est lors de ses séjours à l’abri du soleil
qu’il se découvrira une passion pour l’écriture, sombre de préférence, en
commençant par les nouvelles. Ravensbrück mon amour est son premier
roman.
Bibliographie :
Le Prisonnier (nouvelle) dans Santé !
collectif des auteurs du noir – Atelier Mosésu -2013
L’enfant des mille collines (nouvelle) dans
Enfants des rues – Yucca éditions – 2013
All women are bad (nouvelle) The Cramps – Camion blanc – 2013
Moi le salaud…(nouvelle) Projet.Ayiti15-812 – ¼
hibou éditions – 2014
Valentin (nouvelle) – l’Exquise édition – 2014
Les Stained with blood (nouvelle) The Gun Club –
Camion blanc – 2014
Haine 13 (nouvelle) – Ska éditions – 2015
Ravensbruck mon amour – Atelier Mosésu – 2015
Très belle chronique Leila. On y ressent toute l'horreur et toute l'émotion ressenties. Hâte de le lire!
RépondreSupprimerMerci Denis! J'ai une chance inouïe, je tombe sur des perles :)
SupprimerMême ressenti pfiou quel livre
RépondreSupprimerIl prend aux tripes. Mais on ne peut pas le lâcher.
SupprimerUne très belle découverte !
Suis contente d'avoir posé la question il y a deux semaine, demandant si quelqu'un l'avait lu ;)
Finalement à peine publié une bonne partie des Readers s'est ruée dessus !
Tout ce que je souhaite à Stan, c'est que son livre cartonne !