RENCONTRES...

mardi 9 décembre 2014

L'OUBLI - FEDERIKA AMALIA FINKELSTEIN

4ème de couverture :
Je m'appelle Alma et je n'ai pas connu la guerre. J'ai grandi en écoutant Daft Punk, en buvant du Coca-Cola et en jouant à des jeux vidéo sur la Playstation 2. Un jour, j'ai appris que mon grand-père avait fui la Pologne quelques années avant la Seconde Guerre mondiale, avant la Shoah. Ce mot m'a longtemps agacée : son côté spectaculaire. Mais vendredi soir, quand je me suis retrouvée face à la petite-fille d'Adolf Eichmann et qu'elle n'arrivait pas à se remémorer le nom du camp d'Auschwitz, j'ai ressenti comme une douleur – elle a duré quelques secondes. Je me suis rappelé l'exergue de Si c'est un homme de Primo Levi : "N'oubliez pas que cela fut, non, ne l'oubliez pas" ; je crois que je veux faire exactement le contraire. Oublier tout.

Par où vais-je commencer ?

-          Par l’histoire ?
-          Les incroyables compétences marketing de l’auteure ?
-          ou par vous dire que je n’ai pas du tout aimé ?


L’histoire
Alma (ou plutôt Amalia Finkelstein), se présente : « Je n'ai aucune peur d'oublier l'extermination des Juifs. Plus précisément, je souhaite qu'on me fiche la paix avec cette histoire, qu'on la raye de ma vie une bonne fois pour toutes car c'est le seul moyen que j'ai de survivre ».
173 longues et interminables pages, une litanie d’un ennui sans pareil. L’approche « philosophique » de l’auteure (23 ans étudiante en philo) est limite immature. Il est désolant de voir la Shoah et du Coca dans la même phrase ! Est-ce sa manière d’apprivoiser ce lourd héritage ?
Comment parler du mal être d’une génération née des décennies après l’holocauste ? elle en arrive à mentir, à inventer la mort de son grand-père dans un camp d’extermination, dans quel but ? Que cherche-t-elle à légitimer ? Elle erre dans ses réflexions, et nous errons au fil des pages !

« Le suicide d’Adolf Hitler n’est pas un détail : il est de la plus haute importance. Se suicider, ce n’est pas mourir. Se suicider, ce n’est pas disparaître. Se suicider : c’est effectuer un court-circuit. Adolf Hitler le savait, c’est la raison pour laquelle il s’est tiré une balle dans la bouche. Peut-être que si les Alliés avaient tué Adolf Hitler, nous aurions gagné en 1945. Si Claus von Stauffenberg avait réussi son attentat, alors nous aurions pu gagner la guerre. Nous avons perdu la Seconde Guerre mondiale à cause d’un suicide »

« trop de souffrance, comme trop d’émotion, fait perdre du temps. Je n’ai aucun temps à perdre (si ce n’est que je l’ai déjà entièrement et irrémédiablement perdu) car ce monde est fulgurant et je dois être à hauteur de cet adjectif si je veux pouvoir vivre. Vivre, je le veux : ce n’est pas de l’ordre du désir. Nous devons accomplir notre devoir. Nous sommes nés, par conséquent nous devons vivre. Je n’irai jamais plus loin dans ce raisonnement. »


Les incroyables compétences marketing de l’auteure :
Le Clésio, Moix et Beigbeder ne tarissent pas d’éloges.
Le thème du roman est d’une efficacité avérée. Finkelstein bouscule les acquis, on laisse de côté le devoir de mémoire, et on déclame haut et fort le devoir de l’oubli ! Pour faire le buzz de cette rentrée ? Franchement, je n’en vois pas d’autres raisons.

Pas aimé, mais pas du tout aimé…
J’ai du mal à imaginer qu’elle ait pu être nominée au Renaudot (1ère sélection), quand on voit la qualité des œuvres de ses concurrents !! J’ai eu beau creuser, essayer de comprendre à côté de quoi j’étais en train de passer, je me suis forcée à terminer l’oubli, pour l’oublier aussi vite…

« Ceux qui prétendent que la vie est compliquée se trompent : la vie n’est pas compliquée. Il suffit de marcher une demi-heure par jour, de manger un peu, de travailler un peu, de dormir un peu, de boire 1,5 litre de liquide non alcoolisé toutes les 24 heures. Ce qui est compliqué, c’est de vouloir réussir et de ne pas réussir. »

 « Le nom de Hitler n'est pas loin d'être aussi célèbre que le nom Jésus-Christ et que le nom Michael Jackson. Nous mettons tous les noms de l'Histoire dans un grand sac puis nous les confondons. Parfois, je me demande si nous sommes encore en état de faire la distinction entre les bons noms et les mauvais noms: si réellement nous la faisons. Il y a une forme d’indifférence. Je pense qu’aujourd’hui Hitler est un mythe au même titre que Jésus-Christ […] et […] Mickael Jackson […] : nous ne pouvons pas oublier ces noms parce qu’ils sont ancrés dans notre mémoire. Les 14.000.000 d’êtres humains exterminés entre 1933 et 1945 ne sont pas des mythes : nous ne connaissons pas leurs noms. Ils sont poussière, ils sont chiffres. Que cela soit juste ou pas, là n’est pas la question. La morale est comme le fait de gagner : elle est une illusion. […] Voilà ce que nous avons fait. Nous avons fait des victimes un amas de chiffres, puis nous avons fait des bourreaux un amas de mythes. »

Je n’aime pas faire des chroniques négatives (en général je m’abstiens), mais le sous-titre de mon blog m’y pousse un peu :)

« J’amorce des milliers de pensées dans ma tête mais je n’en finis que quelques-unes : finir est plus difficile que commencer. » A mon avis, il ne fallait pas commencer…


J’ai eu l’impression de lire le journal d’une adolescente, mal dans sa peau, perturbée, et qui crie sa colère. A vous de vous faire votre propre idée…

samedi 6 décembre 2014

LE NOEL DES BLOGGERS 2014



Pour fêter cette fin d'année et le début de la suivante, 8 Blogs se sont réunis afin de vous gâter !!

Au total 8 lots à gagner soit 8 gagnants !! Excusez du peu !! On ne se moque pas de vous ...
Le principe est très simple, une image représentant une lettre est cachée sur chaque blog. En retrouvant toutes les lettres vous pourrez composer un mot. Il ne vous reste plus qu'à nous envoyer ce mot mystère, le titre et l'auteur de chaque chronique où se trouvent les lettres avec votre nom (ou pseudo) et email à l'adresse suivante:


concoursinterblog@yahoo.com

Vous avez jusqu'au 23 Janvier 2015 inclus pour participer. (Tirage au sort le week-end de 24-25)
Attention, vous êtes prêts ? Voici la liste des blogs (pour certains un indice s'impose !)
 Liste des lots :

- Un roman " la méthode Schopenhauer" d'Irvin Yalom
- Un lot " Saules aveugles, femme endormie" de Haruki Murakami et "13 à table"
- Un roman "Un hiver avec Baudelaire" de Harold Cobert en grand format
- Un roman "Irradié" Collectif des auteurs du noir

- Un roman au choix : "Une disparition inquiétante" Dror Mishani OU "Les Origines de l'amour" de Kishwar Desai
- Un roman "le magasin des suicides" de Jean Teulé
- Un lot " Tapis rouge" de James Patterson & MarShall Karp et "Le dernier déluge" de David Emton
- Un roman "Avant d’aller Dormir" de Watson, Éd. Sonatine.

Les gagnants autorisent les bloggers organisateurs à divulguer leur nom et prénom ou le pseudo communiqué pour la diffusion des résultats

Bonne chasse ! Très bonnes fêtes de fin d'année de notre part à tous.




















vendredi 5 décembre 2014

DIEU SURFE AU PAYS BASQUE – HAROLD COBERT

4ème de couverture :
De cette romance estivale sur fond de plages sauvages et de balades en scooter naît une histoire d'amour, et un désir d'enfant. Le jeune couple parviendra-t-il à conjurer les coups du destin, à préserver l'ivresse des débuts ?

Des souvenirs heureux aux épreuves du présent, Harold Cobert explore la vie conjugale du point de vue masculin. Mêlant dérision et tendresse, son échographie d'un père n'esquive rien, ni l'appréhension de la paternité ni la tragédie de la perte de l'enfant à naître. Avec pudeur, comme en équilibre sur la crête des séismes intimes, un roman paradoxalement drôle et bouleversant.


Mon avis :

Un avion à prendre, et hop un petit livre dans le sac pour passer les 2h30 de vol. Pour ce genre de lectures, je ne prends jamais le temps de faire une chronique, puisque une fois l’avion atterri, l’histoire est oubliée !

Cette fois-ci, non seulement je ne l’ai pas oubliée mais elle m’a profondément bouleversée, Harold a une très belle plume, doublée d’une très grande sensibilité.

L’incipit pose le décor :
« Samedi matin. Je me suis réveillé en sursaut. Un mauvais rêve. Ma femme me disait : Le bébé est mort. »

Mais en parallèle, nous sommes aux premières loges pour voir naître un amour fou entre le narrateur et sa future femme rencontrée lors de vacances au pays Basque.
« -Tu raccroches.
- Non, toi d’abord !
Nous avions quinze ans, à peine.
Du grand n’importe quoi.
Nous étions heureux, nous étions cons, nous étions heureux d’être cons »
(Au passage, les deux protagonistes sont toujours désignés par Lui ou Elle, on en conclut que c’est fort probablement autobiographique)

« Souvent, les premières fois sont quelque peu désastreuses. On ne se connait pas, on se découvre. Les corps sont comme deux instruments qui s’accordent. Plusieurs essais sont généralement nécessaires avant de jouer à l’unisson et d’atteindre une acmé digne de ce nom. Parfois, malheureusement, cela ne vient pas, ne viendra pas, ni maintenant ni demain. On peut alors se mentir autant qu’on veut, céder aux ruses de la raison pour prolonger le mirage des débuts, mais, tôt ou tard, il faudra se rendre à cette évidence : le corps, lui, ne ment jamais. »

Cet amour se concrétise par un projet de vie, faire un bébé ensemble !
A la veille de la première échographie, des saignements suspects alertent la femme du narrateur, qui a déjà perdu un bébé de 5 jours conçu avec le « prédécesseur ».
Les saignements deviennent hémorragie et l’hémorragie se conclut par un curetage.
La fausse-couche précoce est un sujet dont on a maintes et maintes fois entendu parler, des récits empreints de peine, de larmes parfois, mais toujours de la part de futures mamans éplorées. Ici, c’est un ex-futur papa accablé, qui partage avec nous sa souffrance, son désarroi, ses colères et ses espoirs.

« Les jours ont commencé à passer. Puis les semaines. J’ai continué de travailler avec un étrange sentiment de vacuité. Tout me paraissait frappé d’une profonde inanité. J’accomplissais des gestes et prononçais des paroles de manière automatique, comme si ce n’était pas moi qui les avait accomplies ou prononcées. La colère, la rage et la haine ne me quittaient pas, mais je n’avais plus la force de les accueillir ni de les porter. Je vivais à côté de moi-même. »


Harold nous sert une mise en miroir de la naissance d’un amour et de la mort d’une future naissance ! (la mort prématurée du fœtus), sans pathos et sans emphase, mais avec beaucoup de pudeur, de tact et de retenue. Même s’il a réussi à remuer chez moi des souvenirs douloureux, j’ai dévoré le livre d’une seule traite, et ses deux suivants sont dans ma PAL (Un hiver avec Baudelaire et Jim)
Une magnifique plume et une belle découverte !
Merci Harold!



L’auteur :
Sa biographie vous la trouverez facilement sur le net ! Moi, je voudrai vous parler de lui en tant qu’ « ami » sur l’un des réseaux sociaux.
Certaines personnes ont tout pour elles : le talent, une belle plume, de l’humour, de la sensibilité, une « belle gueule » et la gentillesse. Elles sont rares, certes, mais Harold en fait partie !



Citations :

« A peine avais-je envoyé ce message que j’en avais mesuré le ridicule consommé. J’étais consterné. Je me consternais. Au moins, cela éclaircissait mes intentions. Et devait provoquer une réponse sans ambiguïté. »

« Ou comment avoir autant d’esprit qu’un concombre surgelé et des sabots plus lourds que Gulliver. Ma gaucherie m’affligeait »

« On fait semblant de s’étirer, dans un canapé ou au cinéma, on passe laborieusement le bras autour de ses épaules avec un raclement de gorge préventif : » Quoi, moi ? Enfin, ma chère, nous ne nous connaissons ni des lèvres ni des dents, vous n’y pensez pas ! » Le ridicule ne tue pas, mais il meurtrit l’amour propre. Non, un homme qui a jeté son dévolu sur une femme porte en permanence une sorte de pancarte sur le front, clignotant en lettres rouges des « Je te veux ! » et autres « J’ai envie de toi ! » pires que des gros sabots de plomb. »

Œuvres :

Mirabeau, le fantôme du Panthéon 6 Volumes, 2002
Le reniement de Patrick Treboc, Paris, Jean-Claude Lattès, 2007
Un Hiver avec Baudelaire, Paris, Héloïse d'Ormesson, 2009
L'entrevue de Saint-Cloud, Paris, Héloïse d'Ormesson, 2010 
Dieu surfe au pays basque, Paris, Héloïse d'Ormesson, 2012
Au nom du père, du fils et du rock'n'roll, Paris, Héloïse d'Ormesson,‎ 2013
Jim, Paris, Éditions Plon, 2014


mercredi 3 décembre 2014

LUNDI COUSCOUS - LORRIS MURAIL

Masse critique Jeunesse de Babelio 

tous les livres sur Babelio.com

4ème de couverture:
Moi, Arno, quatrième 2…
 « Le petit train des quatrièmes s’est formé. Je frappe à quelques dos au hasard.
– Eh ! les gars, vous avez vu ? Chanthou et Malik et Tamara et Mahmut et… vous les avez vus, dans le minibus ? Ils sont virés pour de bon… hé ! Vous m’écoutez ? Pas seulement du bahut. Virés de chez nous. De la France, de la Gaule, de l’hexagone, du territoire national… la patrie ! Vous n’avez pas vu ? Ils n’ont pas vu. »

Mon avis :
Arno élève de 4ème dans une toute petite ville et y fréquente un petit collège.  "Si on excepte les Espagnols, les Italiens, les anglais, enfin  les autres qui sont presque comme les français", il y vraiment très peu d’étrangers ! Mais cela n’empêche pas "le collectif Sauvons notre Collège" présidé par le charcutier Livio, de voir le jour. La raison, l’arrivée imminente de "Romanichels" qu’il va falloir scolariser dans le même collège !
La direction du collège ne voit pas cette intrusion d’un bon œil non plus, les 10 étrangers les plus typés, sont priés, non, poussés à s’en aller, où ? Comment ? Ne sont-ils pas français aussi ?
Le programme change, les cours d’allemands sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, la mappemonde pourquoi faire ? Notre bonne vieille France nous suffit. Les mathématiques : et bien les romains nous ont légué leur système numéral, pourquoi irait-on utiliser des chiffres arabes ! On est bien d’accord : "I-ixe fois vé-deuxi font… eueueuhhh… el-ixe-troisi ?"
A la cantine,  à la place du fameux Couscous du jeudi, dorénavant ce sera langue de bœuf…
Arno, secrètement amoureux d’une petite cambodgienne, Chanthou, ne sais plus où donner de la tête. Demander de l’aide à ses parents ?  "Mes parents ne sont ni mauvais ni racistes, je le sais. Un peu lâches, sans doute"
Mais petit à petit, les consciences s’éveillent…
Ce livre se veut moraliste, des clichés il y en a, mais on ne tombe pas dans le pathos. La fin est in-« attendue », tout dépend de l’âge du lecteur. Mais Lorris Murail s’adresse aux enfants à travers ce livre. Le thème principal étant la xénophobie, comme vous l’avez bien évidemment compris, sa démarche est franche, et le message peut passer facilement aux jeunes lecteurs. Il ne reste qu’à l’appliquer !

"Des souvenirs, oui. Le passé, notre passé commun, est fait des empreintes que nous lèguent les hommes qui nous ont précédés et qu’impriment l’une après l’autre les générations qui se succèdent. Ces traces, le temps pourrait les effacer, le vent les emporter. Voilà pourquoi on a inventé l’écriture. Pour graver ce que la poussière des siècles risquerait de perdre, et l’esprit humain d’oublier. Le livre, mes jeunes amis, c’est la mémoire des hommes. Voilà pourquoi, quand on a chassé ceux que nos yeux ne voulaient plus contempler, on s’attaque aux mots qui racontent comment ils pensaient, ce qu’ils croyaient, à quoi ils rêvaient. Ces livres que l’on trie, ces livres que l’on brûle, ce sont les hommes qu’on élimine une seconde fois. Les cendres ne parlent pas. Avec elles s’envole le souvenir. C’est, voyez-vous, ainsi qu’on a procédé de tout temps. Les bibliothèques ont toujours suivi les hommes sur le chemin du bûcher."

"Repousser l’étranger, l’exclure c’est nous bannir nous-mêmes, c’est nous rendre aveugles à cette part de nous qui se trouve en chacun des autres. "

Edition : Nathan
Collection : Mes années collège
Pages : 134
Public : 11-13 ans

mardi 25 novembre 2014

LES ANGES MEURENT DE NOS BLESSURES - YASMINA KHADRA

4ème de couverture :

Il se faisait appeler Turambo, du nom du village misérable où il était né, dans l'Algérie des années 1920. Il avait pour lui sa candeur désarmante et un direct du gauche foudroyant. Il fréquenta le monde des Occidentaux, connut la gloire, l'argent et la fièvre des rings, pourtant aucun trophée ne faisait frémir son âme mieux que le regard d'une femme. De Nora à Louise, d'Aïda à Irène, il cherchait un sens à sa vie. Mais dans un monde où la cupidité et le prestige règnent en maîtres absolus, l'amour se met parfois en grand danger. 
À travers une splendide évocation de l'Algérie de l'entre-deux-guerres, Yasmina Khadra met en scène, plus qu'une éducation sentimentale, le parcours obstiné – de l'ascension à la chute – d'un jeune prodige adulé par les foules, fidèle à ses principes, et qui ne souhaitait rien de plus, au fond, que maîtriser son destin.


Mon avis :

Une description quasi littéraire d'une ascension sociale fulgurante et d'une déchéance qui l'est plus! Turambo qui porte le nom de son village natal (Arthur-Rimbaud), enfant de la misère dans une Algérie d'entre-deux-guerres raciste, a pu s'en sortir grâce à son crochet gauche!

"Le rêve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut après, nous avoir baladés à sa guise à travers mille promesses. C'est un gros malin, le rêve, un fin psychologue: il sait nous prendre à nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffé menteur: lorsque nous lui confions notre coeur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d'une déroute, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tête et un trou dans la poitrine - il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer."


On est confronté au fossé séparant les « Français » des « araberbères », le monde des « civilisés » et celui « des singes à peine descendus de leurs arbres ». Le racisme est omniprésent, le sport - la boxe en l’occurrence - aussi, mais pour illuminer ces ténèbres, les histoires d’amour du héros s’enchevêtrent pour donner une lueur, d’espoir peut-être ?... seule la lecture intégrale du roman nous le dira !

"L'amour est fait de hasard et de chance. À une bretelle de la vie, il est là, offrande sur le chemin. S'il est sincère, il se bonifie avec le temps. Et s'il ne dure pas, c'est que l'on s'est trompé de mode d'emploi."

"La boxe est un art réservé au monde des lumières. Autoriser un primate à y accéder est une grave imprudence, une fausse manœuvre, un acte contre nature »

Yasmina Khadra, fidèle à lui-même, nous crible de mots savants (pour mon plus grand bonheur) et nous sert un style plus littéraire à mon avis que ses précédents ouvrages. Un roman violent certes, mais d'une humanité rare! 
Un enchantement...


L’auteur :


Connu et salué dans le monde entier, Yasmina Khadra est l'auteur de la trilogie "Les Hirondelles de Kaboul", "L'Attentat" (adapté au cinéma par le réalisateur Ziad Doueiri en 2013) et "Les Sirènes de Bagdad" consacrée au dialogue de sourds entre l'Orient et l'Occident. "L'Attentat" a reçu, entre autres, le Prix des libraires 2006. "Ce que le jour doit à la nuit" – Meilleur livre de l'année 2008 pour le magazine "Lire" et prix France Télévisions 2008 – a été adapté au cinéma par Alexandre Arcady en 2012. La plupart des romans de Yasmina Khadra sont traduits dans quarante-deux pays.



Avec le maître incontesté Yamina Khadra aux Quais du Polar Edition 2015 

lundi 24 novembre 2014

JE SUIS NE UN JOUR BLEU & EMBRASSER LE CIEL IMMENSE - DANIEL TAMMET

Deux OVNI littéraires,  « Je suis né un jour bleu » et « Embrasser le ciel immense » de Daniel Tammet, deux témoignages puisés au fond de la source !


Daniel Tammet est hors normes, il est autiste de haut niveau, atteint du syndrome d'Asperger,  dans « Je suis né un  jour bleu » il nous décrit son enfance, sa passion pour les mathématiques et les langues. 
C'est une biographie doublée d’un essai scientifique sur: la synesthésie (les chiffres ont des couleurs et des textures); 
l’autisme et le Syndrome d’Asperger, mais c'est aussi un livre fascinant  puisqu’ il est d’une grande sensibilité.  
Le sous-titre "À l'intérieur du cerveau extraordinaire d'un savant autiste" parle de lui-même, car c'est exactement de cela qu'il s'agit.

L'auteur évoque d'ailleurs, assez longuement, sa fascination pour les nombres, ce qui le poussera à se lancer un incroyable défi, mémoriser les  22 514 premières décimales du nombre pi, un exploit qui a nécessité plus de cinq heures d'énumération en public.

Malgré ses exploits, et son incroyable mémoire synesthésique, il a dû batailler pour avoir une scolarité normale, puisqu'il lui est très difficile de communiquer et de se socialiser.

La façon dont l’entourage, et surtout les parents de Daniel on réagit face à la différence de leur fils m’a énormément touchée. 
Il ne faut pas oublier qu’il est né en 1979, époque où on parlait peu de l’autisme et encore moins du Syndrome d’Asperger.

Il a eu la chance d’être bien entouré, d’avoir pu être diagnostiqué, et surtout que les personnes qu'il a rencontrées lui aient offert un retour à la hauteur de ses attentes.

Il a une vision très particulière, il est tout simplement en décalage avec le monde qui l’entoure. Son cerveau offre des potentialités différentes.  Dans ce livre, il n’essaye pas de vulgariser l’autisme, mais nous fait une présentation scientifique du fonctionnement de son cerveau avec de nombreux exemples. Il arrive carrément à nous y emmener et nous faire ressentir les choses comme il les perçoit.



J’ai enchaîné la lecture des deux livres,  dans le second, intitulé "Embrasser le ciel immense",  j’ai trouvé beaucoup de redondances. C’est dommage qu’il y en ait eu autant.  


Le second étant plus « technique », on y trouve beaucoup d’énumérations d’expériences scientifiques,  si on est intéressé par le côté autobiographique, il vaut mieux s’arrêter au premier.


Son plus grand exploit, reste pour moi son hypersensibilité et la façon dont il nous mène à ressentir les choses telles qu'il les voit!
On finit par voir des couleurs partout...

lundi 17 novembre 2014

LA CHAMBRE D'HANNAH - STEPHANE BELLAT

Habituellement, mes chroniques sont rédigées dès le lendemain voire le surlendemain de la lecture ! Mais « la chambre d’Hannah », un véritable coup de cœur, a engendré un grand coup de ralenti, j’appréhende… Ma chronique serait-elle à la hauteur de mon coup de cœur, du bouleversement que m’a procuré sa lecture ? Saurais-je retranscrire toute cette émotion ?

Je me lance quand même :

4ème de couverture:

Paris, février 1992. Pierre Descarrières, 11 ans, est malheureux coincé entre une vie terne et des parents qui se déchirent quotidiennement. Seul dans sa chambre, il rêve d’un frère ou d’une sœur qui viendrait rompre sa solitude. Paris, février 1942. Hannah Klezmer, 11 ans, étouffe dans l’espace confiné de son appartement, mise à l’écart parce que juive. Leurs routes n’auraient jamais dû se croiser. Et pourtant, c’est arrivé. Car il existe entre eux un lien plus fort que le temps et la folie des hommes.
Si la Chambre d’Hannah plonge ses racines dans l’Histoire la plus sombre, c’est aussi le roman sensible et lumineux d’une amitié entre deux enfants qui n’ont, au premier abord, rien en commun : ni leur condition, ni leur époque. Avec, en filigrane, ces deux questions essentielles : jusqu’où aller par amitié ? Sommes-nous prêts à croire l’impossible ? 


Mon avis :

Comme vous l’avez compris, c’est l’histoire de deux jeunes enfants de 11 ans que tout sépare, le milieu social, l’époque, mais ils ont une chose en commun, leur chambre ! Sauf que Pierre vit en 1992 et Hannah en 1942.
Pierre est perdu au sein d’une famille qui se déchire, son appel à l’aide lancé, il a la surprise de voir apparaitre Hannah. Au fil des pages, une amitié sincère voit le jour, une amitié telle, que Pierre et son ami Maxime bravent le temps, les critiques, l’incompréhension des leurs pour venir en aide à Hannah. Qui pis est, Pierre et Hannah doivent l’un à l’autre le fait de rester en vie !

« Nous avons ressenti une partie de ce qui dévorait Hannah de l’intérieur. Une partie seulement, une partie infime de sa souffrance [...] Pour Hannah les mêmes cauchemars se répétaient jour après jour. A l’infini.» 

Le roman évoque des sujets très touchants : le rejet, le déchirement des parents, l’incompréhension de cette guerre, l’envie d’en finir, l’amitié, la dépression, la quête de soi et de ses origines.

« Le regard des autres est pire que la faim. Il déchire les entrailles, arrache des larmes de sang. Il vous pousse à maudire le destin d’être né différent. On en finit par souhaiter de devenir invisible. Au plus profond d’eux-mêmes, la plupart des humains entretiennent la phobie de ce qui n’est pas eux. »

Au cœur de l’horreur, Stéphane Bellat parvient à nous émouvoir, le récit est raconté par Pierre, avec des mots enfantins, mais très sensés.

« - Vous pensez que ça recommencera un jour, tout ça ?
- En France, je ne l'espère pas. Je ne crois pas, non. Ailleurs dans le monde, c'est malheureusement possible. Il faut être vigilant, Pierre, ne jamais se dire que c'est fini pour de bon. Ce n'est jamais fini pour de bon. La Première Guerre mondiale devait être la dernière. Vingt ans plus tard, tout recommençait. »

Sur un fond de fantastique et d’affabilité, Bellat nous fait rêver au point de croire en la possibilité de pouvoir changer le passé pour le bien d’autrui !

Vivement que le livre sorte en poche pour que les professeurs d’Histoire-Géo le fassent lire aux élèves !! A mon avis, c’est un livre indispensable pour accompagner nos enfants dans la découverte et la compréhension de la seconde guerre mondiale, pour ma part, il est sur la PAL de mon fils !


Je n’ai rien à y gagner, mais j’assume amplement ! Oui je me transforme en thuriféraire de la Chambre d’Hannah, et je n’ai plus rien à ajouter, excepté : Courez l’acheter !!


« A-t-on déjà vu quelqu’un pleurer devant la perte d’un numéro ? On le remplace. Et personne ne s’en aperçoit. A Auschwitz, le futur se limite à l’heure qui suit. Si on est encore vivant, c’est une victoire. Une heure plus tard, on est déjà dans le futur. »



L’auteur :

Né en 1961 dans l’ouest de la France, Stéphane Bellat  est un pur autodidacte,  autant par nature que par choix. Très vite attiré par l’expression artistique, il commence par dessiner, puis poursuit son parcours  par la peinture. Après avoir créé deux ateliers, il se dirige vers l’étude de l’histoire de la seconde guerre mondiale.
Quelques années plus tard, il devient historien et rédige, durant une dizaine d’années, de nombreux articles pour plusieurs magazines spécialisés. Sa passion du contact humain l’incite à devenir, en parallèle,  guide et conférencier, plus particulièrement autour de la Bataille de Normandie.
En 2010, il se sent envahi par le besoin d’élargir son horizon et décide de revenir à sa première passion : la littérature fantastique. C’est ainsi que nait les Passagers Perdus, son  premier roman.  Quelques mois plus tard, il est suivi par La Chambre d’Hannah.

L’appendice :
C’est le petit cadeau de l’auteur, à lire absolument, il retrace l’historique des lois antijuives en France Loi portant sur le statut général des juifs (JO du 18/10/1940)



et elle continue aussi chez Rebelle Editions


dimanche 16 novembre 2014

LA VIE A COTE - MARIAPIA VELADIANO

"Je suis laide, vraiment laide. Je ne suis pas handicapée. Du coup, je ne fais même pas pitié. Chaque pièce du puzzle est à sa place, juste un peu trop à gauche ou un peu trop à droite… Inutile d’en faire l’inventaire : ça ne rend pas. Je suis née ainsi. Beau comme un enfant, dit-on. Eh bien, non. Je suis une insulte à mon espèce, à commencer par le genre féminin… La beauté se veut visible. Pour ma part, l’invisibilité était une bénédiction."


Un roman troublant, bouleversant qui raconte l’étonnante histoire d’une petite fille que personne n’ose regarder tellement elle est laide.



Récit à la première personne qui narre avec une grande sensibilité la souffrance de quelqu’un qui n’est pas comme les autres, que tout le monde rejette… ou presque. La maman souffre et se mure dans le deuil de l’enfant parfait et dans le silence, le père fuit pour se noyer dans son travail.

Avec des mots délicats et touchants, Mariapia Velediano nous fait partager le mal-être de Rebecca.

Une profonde tristesse mais également une grande douceur émanent de ce roman, roman traversé par la grâce qui parvient à toucher la petite fille quand elle pose ses doigts sur les touches du piano. Diable ! Cette laideur aurait un don ? Parviendra-t-elle à trouver sa voie ?

Le ton, est comme un oxymoron… doux-amer, l’intrigue et le mystère sont peu à peu dévoilés. L’écriture est quant à elle aérée, fluide, poétique.

Sans évidence, ni amertume, l’auteur nous amène plus près des émotions de cette jeune fille rejetée par un monde esclave des apparences, à la fois physiques et sociales, d’une société qui fait tout pour ignorer ce qui la dérange…


Acheté et lu, le même jour… ça on dit long… La vie à côté de Mariapia Veladiano (Ecrivain Italien) Prix Calvino 2010. 213 pages Editions Stock

Bookfacing de la Vie à Côté




LA NUIT TOMBEE - ANTOINE CHOPLIN


Présenté comme un coup de cœur par mon libraire, mais je dirai un coup au cœur !!!

La quatrième de couverture laissait présager une lecture légère, or c’est un thème grave, et les sujets abordés peu réjouissants !  Mais ce fut une pure merveille !

« Il a roulé longtemps sur sa moto à travers la campagne ukrainienne, Gouri. Il revient sur ses pas, dans la vie d’autrefois, là où il a aimé. En ce lieu qui n’est plus qu’une zone sinistrée. Dans le village voisin, il croise ceux qui sont restés. La nuit tombe, les verres de vodka se vident et on se parle d’avant. Demain Gouri verra son passé délabré, demain seulement. »

En définitive, le vrai thème de ce roman, c’est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, mot qui n’est jamais prononcé dans le livre,  ses conséquences sur les hommes, la nature… Pêle-mêle, on est confronté à la désolation, la souffrance, la maladie, la folie, la poésie, l’acceptation, l’humanité, l’amitié, la vodka…

C’est un livre qui est tout sauf pleurnichard, il ne nous laisse pas indifférents. On traverse la désolation d’une Ukraine méconnaissable, transportés derrière le narrateur sur sa moto –remorque bricolée, qui souhaite récupérer la porte de la chambre de sa fille, aujourd’hui disparue !

On partage ses émotions, on comprend ce qu’est la dignité et la solidarité. On comprend aussi ce qu’est « l’inhumanité », quand on découvre ceux qui ont été abusés par les autorités et enrôlés de force pour nettoyer la centrale.

« La ruine est une chose. Le vide infect installé désormais au revers de ces murs, une autre chose. C'est ce que Gouri tâche de se répéter au pied de ces immeubles. Car, de retour chez lui, il cherche une fois de plus à se convaincre des nécessités de l'exil; flairer le réalité de ces puissances cruelles, imperceptibles et assassines, et préservant si étrangement l'apparence du monde. En découdre avec elles, comme il l'avait fait, d'une autre manière, à coups de pelletées brûlantes sur le toit du réacteur n°4. »

A l’instar du roman,-(124 pages)-, les dialogues sont courts, les descriptions vont droit au but, sans fioritures ou expressions alambiquées qui en jettent plein la vue. Non, juste, un sujet-verbe-complément, et l’émotion nous prend et nous pend à la gorge.

Un roman pudique et bouleversant !