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mardi 11 novembre 2014

LES TRIBULATIONS DU DERNIER SIJILMASSI - FOUAD LAROUI


Si je pouvais placer quelques mots dans ce roman, j’aurais dit ce qui suit : « Pourquoi feu grand-père citait les hadiths et le Coran, pourquoi mon père cite Ahmed Chawqi ou Al Mutannabi, et moi dans tout ça, pourquoi j’ai surtout des références francophones ? »

Ben voilà, le décor est posé ! Adam Sijilmassi, ingénieur négociant pour une  grande entreprise marocaine, est assommé par une épiphanie au-dessus de la mer d’Andaman à plusieurs milliers de mètres d’altitude. Il décide de faire un break dans sa vie, de retourner aux sources, ne plus courir, ne plus voyager… Ces aïeux ayant toujours vécu dans les Doukkala, eurent une vie heureuse, une quiétude à la vitesse des mules et autres équidés et pas à la vitesse des Boeing !

Au début du livre, le ton est farfelu, mais au fil des pages, on se rend compte que le sujet est plus grave. Beaucoup de philosophie, saupoudrée de citations de Ibnou Toufayl et Ibnou Rochd. Des questions existentielles qui puisent leurs réponses dans des œuvres sorties du coffre du grand-père, œuvres qui ont tracé une belle route pour la pensée européenne moderne, œuvres datant d’une époque où les penseurs arabes savaient penser !

"Il est obligatoire d'étudier la philosophie et la science... Mais s'il y contradiction entre elle et la Révélation? Dans ce cas, répond Ibn Rochd, il faut interpréter le texte. Il faut accepter les résultats de l'investigation scientifique et de la réflexion rationnelle, et relire le texte, revenir aux significations premières des mots, en faire une lecture métaphorique. Il faut forcer le texte sacré à coïncider avec le réel tel que le dévoile la science. C'est la science qui prime. "

Adam, plaque tout, travail, épouse, confort casablancais, et chemine vers ses sources, vers la petite ville d’Azemmour, vers le Riad de la famille ! Qui est-il ? Que fait-il ici ? Comment faire le vide ? Comment se défaire de tous ces fragments de littérature française qui s’entrechoquent dans sa tête ? et surtout comment gérer le chaos déclenché par sa décision soudaine de tout plaquer ? Il est venu chercher le calme, et se trouve embarqué dans des intrigues à n’en plus finir, comment gérer cette descente dans le maelström ?

On ressent que Laroui regrette l’âge d’or arabe, le manque de repères culturels pour les marocains exclusivement francophones et regrette surtout que les musulmans n’aient pas pu faire évoluer l’Islam avec le temps, que le tout eut été figé comme il le fut il y a quinze siècles.


Je préfère ne pas trop en dévoiler, car ce livre vaut vraiment la peine d’être lu ! De l’humour savamment dosé, grinçant par moments, un style à la Laroui, très agréable et accessible. Seul petit bémol, j’aurais préféré que l’auteur étoffe un peu mieux/plus la fin, on a l’impression qu’elle fut rédigée à la va-vite et on reste un peu sur sa faim…




2 commentaires:

  1. J'évite en général de lire des billets avant de rédiger le mien mais je n'ai pas résisté. :)

    J'ai eu un moment de flottement avec la fin moi aussi mais je me rends compte que l'auteur ne pouvait pas conclure autrement s'il voulait rester cohérent. Cela dit, l'événement qui fait tout basculer m'a semblé arriver de façon un peu trop opportune.

    Pour le reste, c'est du Laroui (et je le préfère pourtant en tant que nouvelliste).

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    1. Merci Flo pour ton retour. Laroui avec son côté incontestablement déjanté m'enchante toujours :)
      Au plaisir de te lire

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